La spiritualité

M.Christine2016

Quelles sont les valeurs mises en avant par notre civilisation occidentale ? Si je veux « exister» aux yeux des autres, je dois : appartenir à une certaine catégorie socio-professionnelle, gagner beaucoup d’argent, être rapide, rationnel, performant, dans mon métier mais aussi dans ma vie personnelle, consommer des loisirs, des activités culturelles, posséder les objets technologiques les plus récents, habiter une maison grande et moderne, soigner mon apparence jusque dans les moindres détails, être beau, jeune, toujours en forme…

Mais cette exigence de « perfection » dans ce que l’on donne à voir, ne nous apporte ni liberté, ni paix, ni bonheur ; tout juste quelques satisfactions ponctuelles et très éphémères…

Face à ce monde « désenchanté », chacun réagit à sa façon. Certaines personnes adhèrent totalement à ce fonctionnement, rassurées d’être « comme tout le monde », dans le flot, ce qui leur donne l’illusion qu’elles resteront invincibles. D’autres se replient sur elles-mêmes, sur des valeurs du passé, sur l’obéissance à des règles, à un cadre imposé.

Mais il existe une autre voie, ou plutôt une multitude d’autres voies, personnelles à chacun, que l’on peut regrouper sous le terme d’« attitudes spirituelles ».

Qu’est-ce que la spiritualité ?

La spiritualité est souvent assimilée à l’idée de religion. En fait, chaque religion met à notre disposition des messages et des rituels destinés à éveiller notre sens spirituel. Mais au fil des siècles, les humains les ont rigidifiés en dogmes, que l’on doit admettre, respecter, vénérer. De nombreuses communautés religieuses affirment enseigner « la vérité », une vérité qui exclut toutes les autres.

Pourtant, une vision spirituelle du monde et de la vie peut aussi être nourrie par une recherche personnelle.

Chacun peut construire pierre par pierre sa propre compréhension. Chacun peut puiser dans différents enseignements religieux ou philosophiques, les conceptions qui lui conviennent, lorsque son expérience personnelle lui a permis de les vérifier « de l’intérieur ».

La spiritualité n’est pas une compréhension figée, une certitude, c’est une démarche, un cheminement continu, avec peut-être, des phases de « réveil », et puis des phases plus passives, ou des phases de doute …

Cette démarche est généralement impulsée par les questionnements que porte chaque être humain dans les profondeurs de son inconscient : quel est le sens de la vie, de la souffrance, de la mort… ?

Pour certains, la spiritualité est le fruit d’une intuition, l’intuition d’une réalité invisible, intemporelle, illimitée.

Chacun, selon sa culture et selon sa représentation, peut la nommer à sa manière : l’Esprit, le Divin, la Conscience Universelle, la Vie (avec un V majuscule), l’Âme du monde, etc. On peut aussi ne pas la nommer du tout, conscient que le langage va déformer, donner une représentation extrêmement réductrice de cet immense mystère. Mais quel que soit le nom qu’on lui donne, on retrouve ce sentiment intuitif d’une dimension supérieure, à laquelle on appartient tout entier, et qui est notre nature profonde.

Sur ce niveau de réalité, la Vie est Une. Tous les êtres, toutes les choses sont unifiés. Et en même temps, cette puissance invisible et silencieuse fait que chacun est un individu unique, et sacré.

La spiritualité, c’est le sens du Sacré. La Vie est comprise et ressentie comme quelque chose d’infiniment précieux. Elle peut être perçue comme un flot d’Amour qui traverse et anime tous les êtres vivants.

Certaines personnes refusent le terme de « spiritualité », parce qu’elles ont du mal à dépasser la représentation qu’elles s’en étaient faite, mais leur propension spontanée à prendre soin du vivant, en est pourtant une expression lumineuse. Tous les élans du cœur, la joie de rencontrer les autres, l’altruisme, le dévouement, l’empathie, la bienveillance, l’amour, sont des manifestations d’une sensibilité à ce qu’est l’essence de la vie.

D’un point de vue plus large, toute motivation qui nous détourne de notre égocentrisme, toute action désintéressée qui nous pousse à nous préoccuper du vivant, à essayer de le comprendre,  est le signe d’un éveil à cette qualité subtile, impalpable, qui relie toutes choses.

Que l’on s’intéresse aux humains, aux animaux, à l’environnement, à la biologie, à l’astronomie, mais aussi aux mathématiques, à la philosophie, à la poésie, etc., chacun de nous, de multiples façons, révèle sa dimension spirituelle.

La spiritualité ne s’oppose pas au monde matériel ! Elle en est simplement la face cachée, qu’il est essentiel de reconnaître pour apprécier la vie dans sa plénitude.

La conscience spirituelle ne regrette rien du passé. Elle n’attend pas non plus que le futur lui apporte le bonheur. Elle se vit au présent, au quotidien. C’est simplement un autre regard sur ce qui est là, et un cœur confiant.

Vers un art de vivre spirituel ?

Le « sens spirituel » est présent chez tous les enfants. Pour quelques personnes, il restera toujours une évidence. Mais bien souvent, comme on l’a vu, notre mode de vie nous en a écartés rapidement : l’esprit de compétition est cultivé dès l’enfance… Une fois adultes, notre fonctionnement et notre compréhension du monde laissent  très peu de place pour l’écoute de notre vie intérieure, et pour une vision de la vie plus vaste que celle que nous procurent nos sens extérieurs. De plus, la spiritualité reste, pour de nombreuses personnes, un sujet tabou, un concept flou associé à une religion ou à un système de croyances. Dans le meilleur des cas, elle est comprise comme une vision étrange de la réalité, fondée sur une perception intuitive qui n’a forcément aucune valeur, puisqu’elle n’est pas vérifiable par une démarche scientifique ; pour certains, elle peut rappeler l’obscurantisme du moyen-âge, et elle peut faire peur …

Cependant, tôt ou tard, brusquement ou progressivement, le besoin de trouver du sens ressurgit, puis s’impose, s’amplifie, jusqu’au jour où il devient le but premier de notre vie. Cela signifie que, au quotidien, instant après instant, on fait des choix, on donne des priorités, on réfléchit à ce qui est essentiel, pour nous et pour l’humanité : dans nos activités, dans nos attitudes, nos paroles, nos relations, etc.

Nous allons, entre autres choses, privilégier un rythme de vie qui nous laisse le temps d’être présent… au moment présent. Présent à ce que l’on fait, au moment où on le fait. Un rythme de vie qui nous laisse aussi des moments pour réfléchir à ce qui vient de se vivre, prendre du recul, intégrer ce qui s’est joué dans telle ou telle action, notamment si celle-ci implique une relation aux autres. Comme le dit le philosophe Paul Virilio : « Il ne faut pas que le réflexe remplace la réflexion. Il faut se laisser le temps de réfléchir, le temps d’aimer ». Pierre Rabhi nous rappelle également qu’« on oublie trop souvent que ce n’est pas le temps qui passe, mais nous qui passons. Nous passons trop souvent à côté de nos vies, qu’il nous faut apprendre à habiter, à tous les instants. ».

Cela nous amènera progressivement à regarder, à écouter les choses d’une façon plus profonde. A mieux nous connaître, également. A observernos fonctionnements psychologiques, nos schémas mentaux, nos peurs, nos défenses, nos jugements étriqués, nos croyances,… afin d’être de plus en plus sincère avec nous-mêmes, et d’exprimer au mieux la part de vérité qui nous a été confiée.

Il nous faut apprendre à percevoir ce qui ne se voit pas, « l’âme » des personnes et des choses, et sur ce niveau de conscience-là, on expérimente la notion d’Unité, on ne se sent pas séparé des autres, et on comprend notre double nature, individuelle et universelle…

On développe notre capacité à « écouter » notre voix intérieure, mais aussi à être attentif, disponible aux messages que nous offrent les circonstances, les situations,…

Antoine de Saint Exupéry l’exprime merveilleusement bien : « Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

On apprend aussi à s’émerveiller, à apprécier chaque instant : le fait de vivre, de respirer, d’échanger avec les autres, de voir tout ce qui nous est offert : la pluie, la beauté d’un arbre, la nourriture, la magie des mots, la diversité infinie de la Vie,… On apprend à remercier.

«  C’est par la gratitude pour le moment présent que s’ouvre la dimension spirituelle de la vie. » Eckart Tolle.

La spiritualité ne se vit pas dans un espace ou un temps « à part », elle n’est pas une « activité » que l’on pratique de temps en temps, pour se ressourcer ou se donner bonne conscience. C’est un regard qui traverse chaque seconde de notre vie.

Cependant il est nécessaire de la cultiver, et donc, de lui offrir un peu de temps : on peut consacrer des moments spécifiques à la méditation, on peut aussi pratiquer des pauses « d’écoute intérieure », régulièrement, tout au long de la journée ; quelques secondes à une minute suffisent à modifier notre état de conscience ! Ou bien, on pourra tout simplement… s’accorder du temps pour ne rien faire ! C’est extrêmement enrichissant !

De même, prendre appui sur des rituels n’est pas indispensable ; pourtant, ceux-ci peuvent être des supports, des « rappels » qui viendront ponctuer le quotidien, qu’il s’agisse de rituels empruntés à une religion ou une tradition ancienne, ou bien de rituels personnels.

La plupart du temps, nous sommes entièrement absorbés par les sollicitations de notre environnement et les relations aux autres ; nous oublions de prendre soin de notre jardin intérieur, de nous rendre réceptif aux énergies du ciel et de la terre, afin de les assimiler, de les manifester, de les rayonner,… De nombreux enseignements nous rappellent que cette « Vérité », que l’on cherche partout, se trouve en réalité à l’intérieur de nous-mêmes…

Maurice Carême, poète du XXème siècle, a repris le message d’une ancienne légende hindoue.

        Il chercha Dieu  
Il chercha Dieu sur terre,
Le chercha dans la mer,
La lune, Vénus, Mars,
Le soleil, les étoiles,
Le chercha, étonné
De ne pas le trouver,
Sans jamais deviner
Que Dieu se confondait
Avec ce qu’il avait
De plus clair, de meilleur
En lui au fond du cœur.
 

Mais on peut dire également, même si cela peut paraître paradoxal, que cette « Vérité » est partout, en toutes choses, en tout lieu, en tout instant,… si on sait la voir…

Le contact avec la nature favorise particulièrement cette conscience d’appartenance à un Tout plus grand que nous. On peut contempler avec les yeux et avec le cœur, toute la beauté, toute la magie, toute la sagesse de cette vie qui se donne à elle-même, depuis la nuit des temps, imperturbable, inépuisable,… sauf quand l’humain la détruit…

L’idée de spiritualité est quelquefois mal comprise : on pense que seul l’esprit est sacré, digne d’intérêt, et l’on dénigre le corps physique, comme quelque chose d’impur dont il faudrait étouffer les besoins. Le corps et l’esprit sont pourtant les deux facettes de l’être humain, deux aspects entre lesquels il est nécessaire de chercher la meilleure coopération, le plus juste équilibre. Soyons bienveillant avec notre corps, respectons ses plaisirs et les émotions qui leurs sont associées ; quand notre esprit est suffisamment nourri de lumière, nos mirages se dissipent peu à peu, et nos désirs se purifient d’eux-mêmes. Corps physique, émotions, et mental, sont les instruments qui vont nous permettre d’exprimer les réalités que nous contactons par le biais de l’esprit. Par le mot « exprimer », il faut entendre non seulement nos paroles ou nos actions, mais surtout une certaine qualité d’être.

De même,  ne méprisons pas les réalités matérielles ! Il est vrai, comme le dit le psychiatre Christophe André, que nous sommes immergés, en partie à notre insu, dans une véritable « pollution matérialiste […] qui imprègne notre esprit aussi sûrement que la pollution, de l’air, de l’eau ou des aliments pénètre notre corps ». Il dénonce cette croyance erronée en un bonheur qu’on pourrait acquérir en possédant des choses. Nous l’avons tous expérimenté : chaque désir assouvi fait place à un nouveau désir, et nous vivons dans cette attente perpétuelle du « toujours plus ». Cette attitude de convoitise est en effet source de souffrance, tout comme le fait d’attacher beaucoup d’importance aux apparences, Par contre, il ne s’agit pas de renoncer à s’impliquer dans des activités « concrètes », ni de s’interdire d’apprécier le confort, l’esthétique, et même « l’inutile » quelquefois. Simplement, comprenons que le plan matériel devrait être un miroir de l’Amour, de la Sagesse et de la Beauté du plan spirituel, et que nos réalisations doivent être animées de cette intention.         

Vivre dans la spiritualité, ce n’est pas être « parfait », ni mener une vie irréprochable ! Quelquefois, nous sommes très loin de l’idéal que nous souhaiterions offrir au monde ! Pourtant, inutile de nous culpabiliser. Essayons d’être le plus cohérent possible entre la façon dont nous comprenons les choses, et la façon dont nous agissons. Et généralement, c’est très difficile ! Mais comme le dit Pierre Rabhi : « […] ce que l’on acquiert à travers la difficulté prend de la valeur et devient précieux.  […] Le chemin sera probablement balisé de difficultés, mais, en les surmontant, j’apprends, et le chemin devient alors initiatique. »

Nous faisons avec ce que nous sommes à ce moment présent, mais notre conscience veille, enregistre l’expérience, se prépare à « faire mieux » la fois suivante … Notre fil conducteur est de faire « de notre mieux », d’essayer de donner le meilleur de nous-mêmes à chaque instant, en fonction du contexte, et de nos possibilités physiques et psychologiques.

Qu’est-ce que la conscience spirituelle peut apporter au niveau de la société ?

Ceux qui doutent de l’intérêt d’un travail sur soi – qu’il s’agisse de développement personnel ou spirituel – avancent souvent l’argument d’une démarche égocentrique, qui ignore les problèmes du monde. Mais le monde d’aujourd’hui est ce que nous en avons fait ! Et le monde de demain sera ce que nous en ferons ! Une civilisation reflète l’état d’esprit de l’ensemble de ses individus, largement augmenté par l’effet de groupe. Le changement commence au cœur de chacun de nous.

« Quand une multitude de petites gens dans une multitude de petits lieux changent une multitude de petites choses, ils peuvent changer la face du monde. » Erich Fried.

Révéler notre dimension spirituelle, c’est apporter au monde une contribution positive, même si elle est très modeste.

Découvrir que l’on n’est pas né pour consommer, mais pour devenir toujours plus conscient de la Vie qu’on porte en soi, va entraîner, à long terme bien sûr, de nombreuses conséquences, tant sur le plan individuel que collectif.  

La santé physique et psychique s’améliore, un sentiment de tranquillité intérieure s’installe, et les relations entre les personnes en sont totalement bouleversées. Si on a davantage confiance en la Vie, on a moins de peurs, moins d’avidité, moins d’orgueil. On éprouve moins le besoin de rechercher en permanence la reconnaissance des autres, on ne se sent plus en concurrence avec eux, on se compare beaucoup moins. Les conflits deviennent plus rares et beaucoup moins violents, à tous les niveaux, y compris à l’échelle des états.

Le sens de la fraternité est éprouvé « de l’intérieur », et non pas seulement vécu comme un idéal intellectuel.

A son tour, ce contexte plus harmonieux permet à chacun de trouver sa place, sa « mission », au sein de la communauté humaine, ce qui lui permet d’exprimer son plein potentiel.

Ainsi s’enchaînent en cascades des modifications, vraiment insignifiantes au départ, mais qui se vitalisent les unes les autres de façon exponentielle… Cela semble utopique ? Mais… « Il n’y a pas de grande réalisation qui n’ait été d’abord utopie. » (Anonyme)

Le sens de la justice, le sens du partage, s’imposent comme des évidences.

De même, le sens des responsabilités, le sens de l’intérêt général, vis-à-vis de l’humanité dans son ensemble, mais aussi vis-à-vis de l’environnement et de la planète toute entière.

Et ces valeurs, qui ont pris naissance dans la conscience de chacun, entraînent un changement radical dans l’orientation des sociétés : les valeurs véhiculées changent de visage, les décisions et les actions suivent… On favorise la qualité, plutôt que la quantité, on développe l’être plutôt que l’avoir.

Conscient que la Vie a une valeur infinie, tous nos choix sont inspirés par le respect du vivant: mode de vie plus sain, plus sobre et plus joyeux, restauration des liens sociaux, lutte contre le gaspillage, agriculture biodynamique, énergies renouvelables, économie durable et équitable, finance éthique et solidaire, démocratie participative, éducation favorisant l’épanouissement de l’Etre dans toutes ses dimensions,…

André Malraux a déclaré « Le XXIème siècle sera spirituel, ou ne sera pas ».

Conclusion

Quand nous sommes dans la Présence de ce souffle de Vie, si  fragile et éminemment précieux, qui est en nous, tout autour de nous, et dans tout l’univers, nous retrouvons, nous éprouvons dans notre chair, la conscience d’être « à notre place », dans le vaste ballet des étoiles. Nous sommes en paix.

En même temps, nous participons à cette œuvre universelle qui consiste à révéler la qualité spirituelle présente dans le monde qui nous entoure.  

Ecoutons les paroles du Dr Jon Kabat-Zinn : « Il s’agit d’incarner votre vérité et votre amour, instant après instant, jour après jour, aussi pleinement que vous le pouvez, dans les moments agréables mais aussi dans les moments difficiles. Lorsque vous vivez ainsi, le monde est déjà différent, dans des proportions qui semblent infimes, à peine significatives. En fait, ce qui paraît petit n’est pas petit. Ces transformations sont gigantesques et leur pouvoir de guérison est immense, à l’intérieur comme à l’extérieur ».

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