Peur ?… moi ?…

M.Christine – 2013

Il y a peur… et peur…

Des peurs passagères ou insignifiantes, jusqu’aux peurs inscrites au plus profond de notre inconscient, peurs pour nous-mêmes ou peurs pour nos proches, la nature des peurs est extrêmement diversifiée.

Peur des araignées, peur de l’obscurité, peur de perdre son emploi ou de manquer d’argent, peur de l’échec, de ne pas être « à la hauteur » au regard de l’image que nous avons de nous-mêmes, peur de perdre le contrôle des événements,…

Nombreuses sont les peurs liées à nos relations avec les autres : on a peur de « se faire avoir », ou bien de perdre sa liberté, d’être trahi, rejeté, peur de ne pas être aimé, reconnu,…

Enfin, chacun connaît les peurs liées à l’existence elle-même : peur de la solitude, de la maladie, de la souffrance, de la mort,… On pourrait allonger cette liste à l’infini…

Qui peut dire qu’il ne connaît pas la peur ?

Chez certaines personnes, elle sera peut-être à l’état latent, jusqu’à ce qu’une situation particulière vienne la révéler…

La richesse du vocabulaire de la peur atteste des différentes formes qu’elle peut prendre : doute, inquiétude, crainte, frayeur, trouille, frousse, panique, anxiété, angoisse, terreur, etc. Certains mots illustrent des peurs très spécifiques : trac, vertige, claustrophobie et autres phobies de toutes sortes,…

On peut distinguer la peur instinctive et la peur « psychologique ».

La peur instinctive est celle qu’on éprouve face à un danger : elle peut décupler notre énergie vitale, et nous permettre de crier ou de fuir ! C’est l’instinct de survie, que les animaux connaissent aussi. Cette peur-là est salutaire, bien sûr !

Et puis il y a les autres sortes de peurs, celles qui ne sont pas toujours justifiées. Elles sont liées à la mémoire de souffrances anciennes ; certaines sont inscrites dans nos cellules depuis de nombreuses générations… D’autres sont liées aux histoires que nous nous racontons en imaginant de futures souffrances…

Bien souvent alimentées par nos émotions et nos pensées, celles-ci nous empoisonnent la vie inutilement…

Une peur est le fruit de deux ingrédients : nous avons peur lorsque, d’une part, nous nous sentons menacé, et de l’autre, nous éprouvons un sentiment d’incapacité à faire face à cette menace. La plupart du temps, nous essayons d’agir sur la menace elle-même, en prenant des précautions multiples, des mesures de sécurité diverses (verrous, contrats d’assurances, évitement de certaines situations, etc.). Mais peut-être pourrions-nous également nous interroger sur l’autre facette, l’autre entrée de la peur : quelle représentation avons-nous de la menace supposée ? Quel est notre positionnement face à celle-ci ?

Cet exposé concerne les peurs « psychologiques », et la façon dont nous pouvons les aborder.

Les effets de la peur

Comment la peur se manifeste-t-elle en nous ? Quels sont ses effets sur notre corps physique ? Sur notre fonctionnement mental et notre développement spirituel ?

Les manifestations de la peur sur le plan physique, variées selon les individus, peuvent quelquefois être spectaculaires : voix étranglée, souffle coupé, sueurs, frissons, accélération du rythme cardiaque, pâleur, tremblements,… Mais les effets peuvent aussi être beaucoup plus sournois et passer longtemps inaperçus : tensions diverses (notamment au niveau du plexus solaire), perte de vitalité, etc., conséquences qui ne se manifesteront qu’à moyen ou long terme.

Chacun a remarqué combien la peur, bien souvent, peut entraver notre capacité d’action. De même sur le plan intellectuel, nos facultés de réflexion, de discernement, d’adaptation, peuvent être largement ou totalement annihilées, entraînant des comportements tout à fait inadaptés à la situation.

Il faut souligner le rôle extrêmement néfaste que peut jouer l’imagination dans ce contexte-là. Par exemple, si l’on m’apprend que je suis atteint d’une maladie grave,… en quelques secondes vont défiler dans ma tête toutes les images d’un scénario quant à l’évolution de la maladie, ses diverses conséquences sur ma vie, sur mon environnement, etc… Ce scénario sera ensuite répété, rejoué de multiples fois dans mes pensées ; il sera modifié, « enrichi » par les réactions des personnes auxquelles j’apprendrai « la nouvelle », ou par les informations que je trouverai sur la maladie en question. A partir d’une seule phrase prononcée, le mental va produire une infinité d’hypothèses ou de soi-disant certitudes.

Chaque fois que notre mental saisit fortement une idée ; il s’en empare à travers une certaine compréhension, limitée, déformée par des conditionnements très profondément ancrés en nous, et par nos préjugés. Mais lorsque ce processus est alimenté par la peur, il peut s’avérer réellement destructeur…

De plus, dans le cas d’une situation anxiogène qui se répète, la peur sera démultipliée par… la « peur d’avoir peur »…

La peur est donc un véritable obstacle dans le développement spirituel. Elle nous affaiblit et limite notre champ de conscience. Elle nous empêche d’être pleinement présent à ce que nous vivons, et d’accéder à une compréhension éclairée du monde, et de notre relation à celui-ci. Nous n’ouvrons pas notre cœur à l’amour qui nous est donné, ni à celui que nous pourrions donner.

Le maître Djwal Khul nous dit :

« La peur domine beaucoup de situations et jette souvent son ombre sur les moments heureux de la vie. La peur réduit l’homme à un atome de vie sensible, timide et épouvanté devant l’énormité des problèmes de l’existence, conscient de son insuffisance à faire face à toutes les situations, incapable de transcender ses angoisses et ses doutes, pour entrer en possession de son héritage de liberté et de vie.»

Les conséquences indirectes

La peur est à l’origine de nombreuses émotions. Elle peut entraîner :

– la colère (lorsqu’on a peur de ne pas obtenir satisfaction, de ne pas être entendu, ou de ne pas être respecté, etc.) ;

– l’envie, l’avidité, la cupidité, la jalousie (peur de « manquer », peur de pas être aimé, souvent liées à un sentiment de solitude, de vide existentiel…) ;

– la culpabilité (peur d’avoir blessé quelqu’un, de ne pas avoir été « à la hauteur ») ;

– etc.

Quelles que soient leurs manifestations, mes peurs ont bien évidemment des conséquences sur les autres. En particulier si je suis dans une attitude de repli, de méfiance, celui qui est face à moi aura une réponse du même type ; consciemment ou non, il se mettra à son tour dans une posture défensive, ce qui augmentera alors ma propre peur, et c’est ainsi que nous entrerons dans la spirale de l’agressivité, voire de la violence.

La compréhension de ces mécanismes psychologiques est intéressante pour mieux nous connaître nous-mêmes, mais aussi pour porter un regard différent sur les autres, nous souvenir que, derrière leurs attitudes hostiles ou désagréables, se trouve toujours une peur ou une souffrance.

Enfin, on sait combien les émotions sont communicatives. La peur, sans doute plus encore que les autres, se transmet facilement à l’environnement proche.

Lorsque je suis habité par la peur, même si je n’en parle pas ou s’il n’y a pas de manifestations apparentes, la personne qui est face à moi va la ressentir, la pressentir de façon plus ou moins confuse.

En fait, ma peur va révéler, entrer en résonance avec sa propre peur, quelle qu’elle soit, puisque la peur est présente en chaque être humain, qu’il en ait conscience ou non. C’est pourquoi, plus la personne est en paix avec elle-même, moins elle sera vulnérable à mes émotions.

Selon le même processus, chacun est plus ou moins affecté par « l’atmosphère » ambiante de son environnement et de son époque. Les informations véhiculées par les médias ont tendance à stimuler nos peurs, et comme nous sommes immergés dans une sorte de « mirage » collectif, il nous est très difficile de nous en rendre compte. En prendre conscience est pourtant le préalable pour se soustraire à son emprise.

Ces différents prolongements de la peur se vérifient aussi bien sur un individu, que sur un groupe, qu’il s’agisse d’un groupe familial, associatif, religieux, etc. ou même d’une nation. Par exemple, tous les états souhaitent devenir plus puissants que leurs voisins, ils investissent des sommes gigantesques dans l’armement, ce qui provoque une surenchère chez lesdits voisins, et ainsi de suite… Et on retrouve l’escalade de la peur et ses conséquences en chaîne.

Les causes de la peur

Au fil de l’évolution, les peurs de l’être humain ont changé de nature. Liées à sa survie physique, du temps de Cro-Magnon, elles sont à notre époque de plus en plus émotionnelles et mentales, en corrélation avec son niveau de développement. L’homme primitif avait peur de la nuit, du feu, de l’orage,… parce qu’il ignorait les lois qui gouvernent la nature. De nos jours, de la même façon, la peur naît d’une compréhension erronée, d’une compréhension parcellaire de la Vie.

L’époque actuelle permet à chacun l’accès à une multitude d’informations en provenance de toute la planète. De même, l’avancée extraordinaire des savoirs scientifiques offre une représentation toujours plus précise des phénomènes. L’être humain a une connaissance et une maîtrise de la nature jamais égalée jusque-là. Et pourtant, le mystère de la Vie reste toujours aussi profond.

Alors qu’il revendique toujours plus fort son désir d’autonomie, de « liberté », l’être humain se ressent comme un être séparé, isolé, vulnérable.

Ces sentiments d’impuissance et d’isolement donnent lieu aux peurs fondamentales, sources de toutes les autres, et communes à toute l’humanité :

  • la peur de la séparation, de la solitude ; peur de ne pas être aimé, reconnu, peur de l’opinion des autres, particulièrement cruciale dans nos sociétés qui ne reconnaissent que ceux qui ont « fait leurs preuves » (et quelles preuves !… performance, dynamisme infaillible, réussite professionnelle, statut social,… alors que chaque existence humaine est en elle-même un précieux cadeau au Vivant…)
  • la peur de l’avenir, de l’inconnu (cette peur de perdre ce que l’on a, de quitter ce que l’on connaît, même si ce sont des « chaînes » !) ;
  • la peur de la mort (accentuée, de nos jours, par la croyance qu’il n’y a rien après la mort, que seul existe dans ce monde ce que nos yeux peuvent voir) ;

La peur de la douleur physique est également présente chez l’homme dans toutes les civilisations. Elle s’explique par la mémoire des expériences passées, mais il semble qu’à notre époque elle soit exacerbée par l’importance accordée à l’individu, à son corps, à son égo, à son petit « moi je ».

L’humain a développé son individualité, étape indispensable sur le chemin de l’évolution, mais maintenant il doit continuer à élargir sa conscience, pour s’ouvrir à toute la communauté humaine et à l’ensemble du vivant dont il n’est qu’une cellule. Ses peurs perdront alors en intensité, faisant place peu à peu à un sentiment d’unité, de plénitude.

Quelques pistes pour dépasser la peur

Pour dépasser ses peurs, il faut le souhaiter sincèrement, en avoir compris la nécessité, afin d’accepter de les regarder en face.

La première étape consiste à les identifier. Certaines peurs nous sont très familières, quelques-unes sont plus subtiles ou se manifestent plus rarement. Il arrive quelquefois qu’une peur se cache derrière un sentiment « généreux ». Par exemple : je suis profondément touchée par le deuil récent de ma collègue, par empathie, c’est vrai, mais aussi parce que je m’identifie un peu à elle, je me dis qu’il pourrait m’arriver la même chose, et cela réveille en moi une peur inavouée.

A l’inverse, il faut veiller à ne pas considérer comme une peur, ce qu’on pourrait appeler « la petite voix de la conscience », qui nous demande d’écouter nos aspirations profondes, d’écouter notre intuition ; cette petite voix porte peut-être un sain jugement, même si elle va à l’encontre des opinions communes. Par exemple, je m’apprête à faire des études dans le domaine du sport ; tout le monde me dit que j’en ai les capacités et que cette orientation présente de nombreux avantages. Mais à l’approche de mon entrée en formation, je me sens perturbée, anxieuse. Est-ce la peur d’échouer ? Ou plutôt un doute sur ce choix professionnel qui ne correspond peut-être pas à mes valeurs ou à mes souhaits intimes ?

Certaines peurs sont insidieuses et peuvent nous ronger de l’intérieur sans même que nous en ayons conscience. Ces types de peur sont généralement en relation avec nos idéaux, nos incohérences internes, nos doutes, nos questionnements sur le sens de la vie. Mais avant de dévoiler celles-ci, peut-être pouvons-nous commencer par travailler sur des peurs plus accessibles.

La méthode est la même que pour toute émotion : observer, comprendre, expérimenter,…  si possible en état de relaxation profonde. En effet, en « état modifié de conscience », le mental est beaucoup plus sensible à tout ce qu’il perçoit et aux intentions qui sont formulées.

A distance de l’émotion, dans un moment d’apaisement, voici à titre indicatif le genre de questions qui pourraient nous éclairer (sans chercher à analyser de façon rationnelle, cartésienne, ce qui nous ramènerait dans un état de conscience ordinaire). Donc, en restant le plus détendu possible, laissons surgir les questionnements et les réponses qui se présenteront spontanément :

– Dans quelles circonstances cette peur est-elle apparue ? (en présence de quelle personne ? sinon, quelle pensée l’a déclenchée ? en quel lieu ? pendant quelle activité ? dans quel état d’esprit étais-je juste avant ? ou d’une façon plus large, durant la période qui a précédé ? etc.)

– Comment cette peur s’est-elle manifestée en moi ?

– A quel moment peut-on dire qu’elle s’est dissipée ? Etait-ce de façon progressive ? Qu’est-ce qui a permis de l’atténuer ou de la faire disparaître ? Est-ce que j’en eu conscience ? Est-ce qu’il me suffit d’y penser pour qu’elle revienne ?

– Qu’est-ce que cela a touché de si profond, en moi ?

– Puis-je essayer de visualiser cette situation ou une situation identique, en imaginant que je ne serais plus victime de cet ouragan émotionnel, mais que, au contraire, je vivrais ce moment de façon plus paisible ?

Peut-être, certaines de mes réponses mettront-elles en lumière le fait que cette peur est totalement injustifiée ? Ou bien, à quel point ses conséquences sont désastreuses, destructrices pour moi-même et/ou pour les autres ? Ou encore, le temps « perdu », l’énergie dépensée d’une façon inutile, négative ?

Si ce travail est fait régulièrement et avec sincérité, ces réflexions nous reviendront, à l’approche d’une crise, nous permettant de prendre, du même coup, un certain recul par rapport à la situation. En effet il est essentiel de déceler une peur dès son apparition. Essayons de la « désamorcer » au plus vite, avant qu’elle ne prenne le dessus.

Attention,ne cherchons pas à la chasser, ce qui contribuerait à la nourrir. Plus nous lui donnons de l’importance, plus elle augmente en force. Alors simplement, constatons qu’elle est là, regardons-la avec tranquillité et bienveillance. Avec un peu d’humour, nous pouvons même lui serrer la main, histoire de nous dés-identifier totalement de cette émotion. « Elle est présente dans mon esprit, c’est vrai, mais mon esprit est beaucoup plus vaste que cela. »

Mais peut-être que tout s’est passé trop vite, et que nous sommes déjà sous sa domination. Dès que nous en prenons conscience, nous pouvons porter notre attention sur notre respiration, essayer de l’apaiser, essayer de détendre notre corps, de desserrer nos mâchoires, notre nuque,… Enfin, pour trouver un apaisement plus durable, si le contexte le permet, nous pouvons lire un texte qui nous inspire, qui oriente nos pensées vers une idée plus belle, plus vaste, qui nous aidera à sortir de notre attitude centrée sur nous-mêmes.

Lorsque nous devons affronter une situation « à risques », un obstacle ou une menace « objective », nous devons nous y préparer à l’avance, en réfléchissant à l’attitude qui paraît être la plus souhaitable pour les autres et pour nous-mêmes, sur le long terme. Puis, le moment venu, abordons les choses avec la plus grande détente, la plus grande confiance possible, sachant que nous faisons de notre mieux. L’entourage concerné y sera sensible, et donnera des réponses plus apaisées, plus lucides, plus humaines.

Pour terminer,

rappelons que de nos jours sont enseignées des connaissances de plus en plus complexes, dans les domaines de la biologie, de l’environnement, de la technologie, etc., tandis que le champ de la psychologie et celui de la spiritualité restent encore le domaine de quelques spécialistes, ou de quelques personnes particulièrement motivées.

Pourtant, une meilleure compréhension de l’esprit humain ainsi que de nos propres fonctionnements nous épargneraient tellement de souffrances…

Concernant nos peurs, si nous sommes convaincus de leurs effets néfastes, acceptons de les reconnaître, de les observer, d’en analyser les mécanismes, avec cette intention de les apprivoiser, de les accompagner, avec patience et bienveillance.

Ensuite, c’est une question de temps. Soyons confiant dans le fait qu’elles perdront peu à peu de leur force, libérant l’amour qui est en nous, et le potentiel de vie qui nous habite.

Nous offrirons à notre entourage le meilleur de nous-mêmes, et laisserons une empreinte un peu plus positive dans le cheminement de la famille humaine.

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